jeudi 31 juillet 2008

Le premier normalien algérien serait-il un Bousaadi?









LES PIONNIERS DE L’ENSEIGNEMENT A BOUSAADA


Voila plus de deux ans que nous avons fêté le 150ème anniversaire de l’école Challon (aujourd’hui sidi Thameur). Les anciens élèves dont certains ont même été enseignants dans cet établissement qui les a vu grandir, gardent de ces deux journées un souvenir émouvant. Ils ont pu se remémorer des souvenirs d’enfance, rencontrer certains d’entre eux qu ils n’ont pas vu depuis de longues années.
Nous avions alors honoré les doyens de nos instituteurs, ceux-là qui ont défié l’occupant, ces indigènes qui ont investi l’Ecole Normale de Bouzaréah et qui ont enseigné dans plusieurs régions du pays. Ils avaient alors bravé toutes les difficultés, le transport entre autres, pour aller prodiguer le savoir à leurs concitoyens. Ces doyens, pionniers du savoir dont j’ai pu recueillir le parcours, méritent tous les honneurs.


Le doyen des enseignants Bousaadi ou peut être d’Algérie formé à Bouzaréah (ENIB) serait MR BAIOD ATTIA. Il a été admis sur concours lors de l’ouverture de l’établissement en 1865. Ils étaient seulement trois algériens sur une trentaine d’Européens. (Voir site http://www.bouzarea.org/).
Je n’ai pas pu trouver de traces sur son parcours, mais j’ai su qu’il s’était converti par la suite en interprète judiciaire. Il s’est marié à Constantine et y a élu domicile.

Le second Mr CHERIF Madani, promotion 1879/1882. Il a enseigné dans la région de Tizi ouzou puis à Bousaada. Admis comme enseignant à l’école d’interprétariat de Constantine il a exercé cette fonction jusqu’à son admission à la retraite.

Ces deux pionniers furent rejoints par une quinzaine d’autres au fil des années. Vous trouverez ci après le parcours de chacun .

1/ CEMISSA AHMED ben JERIDI né le 03/3/1876 ; il a été admis au cours normal de Bouzaréah de 1891 à 1894. Il est nommé à Maamras, puis à Rahmane en 1898 puis à BouSaada en 1900 ; Duperré en1907, Aumale en 1910 ; Ouled khaled en 1913 enfin à BouSaada en 1916. Il obtient son B.E et le C.A.P et fut décoré du NICHANE IFTIKHAR .Admis à la retraite en 1934.

2/ CHENNOUF ALI, né le 28/10/1877 à BouSaada. Admis au cours normal de Bouzaréah de 1891 à 1894. Il est nommé le 11/01/1895à Elhamel (BouSaada)
Puis à Ouled Khaled en 1896 ; Elhammame en 1898 et enfin à Bousaada en 1909.



3/ CHENNOUF Moussa, né le26/3/1875 à BouSaada. Admis à l’Ecole Normale de Bouzaréah de 1893 à1896 .Titulaire du C.E.P et du B.E (1893et1897) et du C.A.P en 1895. Il a été nommé successivement à Brarcha (Tebessa) en1898 ; Ras El Ain(Sedrata) 1899 ; Guelaa (Akbou) de 1899 à 1902 . Eddis 1902 à 1918 date à laquelle il fut muté à BouSaada jusqu’à son admission à la retraite en 1939.

4/BENAZIEZ Mohamed dit Benelmehdi né en 1894 à Bousaada. Admis au cours normal de Bouzaréah de 1914 à 1921 puis à Dréat de 1917 à 1925 ensuite à Eddis de 1925 à 1931 et enfin à Bousaada à partir de 1931 jusqu’à son admission à la retraite.

5/KIRECHE Ahmed Ben Jeddou : Admis au cours normal de Bouzaréah de 1923 à 1926, il est nommé à Sidi Ahmed en 1926 puis à Djelfa de 1926 à 1929 il fut ensuite nommé à Bousaada de 1929 à 1930 et enfin il devient professeur à Blida à partir de 1930. Agrégé es LETTRES, il a été fondateur de la mosquée d’El BIAR et de l’école supérieure d’interprétariat d’Alger.

6/BISKER AISSA, né le 08/01/1908 à Bousaada. Admis à l’école normale de Bouzaréah de 1926 à 1929, il fut nommé en 1929 à Ain boucif (Médéa) puis en 1930 à Tahir (Jijel) ensuite à Eddis (Bousaada) de 1931 à 1936 ; il fut muté à Bousaada de 1936 à 1940 ensuite à Alger (école Sarouy Casbah) de 1940 à 1947 et enfin il fut nommé directeur de l’école Challon jusqu’en 1957, date de son exil vers la Tunisie pour activités politiques (1). Entre 1962 et 1965 il occupa successivement les postes de Maire de Bousaada, chef de daïra de Ksar Chellala, puis directeur central successivement au ministère de l’intérieur et celui des affaires religieuses. Il fut le fondateur et le directeur de l’institut islamique de Bousaada poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite.

7/KIRECHE Mohamed Ben djeddou né le 30/04/1918 à Bousaada, recruté sur cadre spécial. Il fut nommé à l’école Djurdjura mixte en 1940 ( Alger) en 1942, Maillot en 1945 puis à Eddis (Bousaada) en 1947, et enfin à Bousaada en 1948. Il fut nommé directeur d’école jusqu’à son admission à la retraite. Il est aussi auteur de recherches sur la Météo et le changement climatique.

8/ELBOUTI Mohamed Ben saci né en 1913 à Bousaada. Admis à l’école normale de Bouzaréah de 1932 à 1935, il fut nommé à Sidi Aissa en 1935 puis à Bousaada (annexes) en 1938 en suite à Bousaada ville en 1946. Il fut promu directeur d’école (Alger) jusqu’à son admission à la retraite.

9/ABDELATIF Messaoud dit Abdelkader né en 1916 à El Hamel. Admis à l’école normal de Bouzaréah de 1935 à 1938, il fut nommé le 22/09/1938 à FELIX FAURE puis à Sidi Aissa et El Hamel. Il fut affecté à Bousaada en 1946.

10/ABDELATIF Thameur né en 1916 à Bousaada. Admis à l’école normale de Bouzaréah de 1935 à 1938, il fut nommé à Ain Bessam en 1938, il est muté à Birghebalou puis à Bousaada en 1947 pour terminer sa carrière à Sidi Aissa.

11/BAIOD AISSA né en 1919 à Bousaada. Il est admis à l’école normale de Bouzaréah de 1939 à 1942, nommé successivement à Larbaa Nathirathen , Sidi Aissa puis à Bousaada jusqu’en 1957 date de son expulsion pour activités politiques. Il se fixe alors à Alger et occupe le poste de directeur de CEM. Militant engagé, il est fondateur de la MUNATEC et de la MAATEC. Si Aissa est toujours vivant que Dieu le garde en vie.

12/BENSELAMA LARBI, né en 1908. Elève de la Médersa d’Alger, il est titulaire du diplôme DESM en 1932. Nommé comme mouderres en 1934 à Sidi Aissa puis à Aumale enfin à Bousaada ou il enseigna l’Arabe au CEM, jusqu'à son admission à la retraite.

13/LARAF ALI, né le 25/10/1925 à El Hamel. Titulaire du BE en 1946 et du CAP en 1950, nommé 1947. Il est muté à Bousaada en 1951. Il poursuivit des études supérieures et obtient un doctorat. Si Ali est toujours en vie que Dieu le garde en vie.

14/BENRAAD ABDELKADER, né en 1928 à Bousaada. Elève de la Medersa, il est titulaire du diplôme de fin d’études (DIESI). Il est nommé en 1952 à Bousaada. Devenu inspecteur de l’enseignement primaire de la Daïra de Bousaada, il participe activement à l’épanouissement du secteur éducatif ; ensuite il est promu inspecteur d’académie successivement à Médéa, M’sila, Djelfa. Il a terminé sa carrière en tant qu’ inspecteur général auprès du ministère de l’éducation.

15/KADI MAHFOUD né en 1935 à Ain bessam. Titulaire de BEAC en 1953, il est admis à suivre un stage à l’école normale de Bouzaréah. Il est nommé en 1956 ; il rejoint son poste de Bousaada en 1957. Directeur d’école à Bousaada jusqu'à son admission à la retraite, Si Mahfoud est toujours en vie que Dieu le garde en vie.

Il est à noter que je me suis limité dans cette première partie à citer les enseignants qui ont exercé à l’école Challon durant la période allant de 1856/57 à 1956/57. La commémoration du centenaire qui devait avoir lieu cette année a été annulée, alors, en raison des évènements liés à la révolution.

La deuxième partie sera consacrée à ces évènements et aux instituteurs ayant exercé durant la même période dans d’autres écoles de la ville et à ceux de nos frères venus d’autres régions du pays.

A suivre…
Dr Labadi Noureddine


Correctifs: Bayod Atya est probablement le 9ème (1ér rang de G. à Dr.). 1866

A droite de Mouloud Féraoun (3ème R,5ème) , probablement Mohamed El Bouti (1932-1935)

(1) Les festivités prévues pour commémorer le centenaire de l'école furent annulées par l’Inspecteur de la circonscription (correspondance datée du mois d’avril de la même année et ce, suite à des évènements liés à la Révolution dans la région( embuscades , attentats, etc.….) Mais apparemment ce n’est pas la seule raison ; la véritable raison serait la décision des autorités militaires et administratives de la ville, d’expulser Mr Aissa Bisker (Directeur), de radier Mr Baiod Aissa et de proposer une sanction à l’encontre de Mme Lanusse (citoyenne Française) à la fin de l’année scolaire. Cette décision a été motivée par un rapport de police les accusant de soutient à la révolution. La dite décision a alors provoqué un mécontentement général des élèves et des enseignants. Ce jour là et pour la première fois, les élèves de toute l’école entonnaient l’hymne « Min Jibalina », au moment où les policiers conduisaient Mr Bisker. L’école fut par la suite évacuée afin d’étouffer le mouvement


mercredi 23 juillet 2008

La tradition orale: un patrimoine à sauvegarder d'urgence avant sa disparition définitive


Rachid Bellil (Sociologue et chercheur au CNRPAH à Alger):



Tout ce qui est populaire est dévalorisé



Sociologue et chercheur au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), Rachid Bellil aborde dans cet entretien le thème de la littérature orale. Celle-ci est à la fois acte et discours qui mettent en lumière la réflexion de la société sur elle-même et son système de représentation à un moment donné de son existence. Cependant, la société vit des mutations, d’où le risque de disparition de cette littérature.

Quelle est aujourd’hui la place de la littérature orale dans la recherche scientifique en Algérie ?
Elle est marginale. A titre de rappel, les travaux de recherches en la matière ont commencé à l’époque coloniale. Des militaires, linguistes et pères-blancs se sont investis dans ce domaine. Ces derniers ont joué un grand rôle. Durant cette même période, des Algériens à l’exemple de Belkassem Ben Sedira, Si Amar Bensaïd Boulifa et Mouloud Feraoun ont exploré ce champ d’expression littéraire. A l’époque, des recueils et corpus sont publiés. Ils sont consacrés aux contes, poésie, récits historiques, ethnographiques, hagiographiques. Ils sont importants pour des études linguistiques, ethnographiques et anthropologiques.Cependant, il faut distinguer entre littérature orale et traditions orales. Celles-ci renvoient à l’ethnographie. Elles servent, entre autres, aux études sur un village ou une tribu. La littérature orale comprend pour l’essentiel les contes et la poésie ; on y trouve aussi des légendes. Néanmoins, les deux domaines s’interpénètrent. On peut trouver des traditions orales dans des poèmes. Après l’indépendance, la littérature orale algérienne est marginalisée, frappée d’ostracisme, méprisée, parce qu’on privilégie la culture savante et écrite. Les chercheurs algériens qui s’intéressent à ce domaine ne sont pas nombreux. Des productions sur la littérature orale amazighe ont vu le jour. Elles sont de moindre importance concernant la littérature orale arabe qui est considérée comme sous-culture, une forme dégradée de l’arabe classique, elle est dévalorisée sur le plan idéologique. Tout ce qui est populaire est dévalorisé. On se retrouve face à un paradoxe dans notre société : d’une part, on use d’une idéologie populiste et de l’autre, la culture populaire est dévalorisée.Il y avait des chercheurs qui travaillaient en dehors des institutions officielles. Au niveau institutionnel, il y avait le Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques (CRAPE) devenu aujourd’hui le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH). Initialement, le CRAPE est plus porté sur la l’archéologie, la préhistoire et l’ethnographie. C’est Mouloud Mammeri qui a introduit au centre la recherche sur la littérature orale, la linguistique et l’histoire orale. Sur ce dernier volet, on peut citer les travaux de Melha Benbrahem qui a recueilli des poèmes sur la résistance populaire au colonialisme pour les étudier ensuite. Mammeri avait aussi formé une jeune équipe de chercheurs algériens. Comme il avait travaillé avec des chercheurs étrangers. Après son départ à la retraite, en 1979, la recherche sur la littérature orale a périclité.
Un des critères de la littérature orale consiste en le contact entre le créateur ou le transmetteur et l’auditeur. C’est ce qu’on ne trouve pas dans cette littérature une fois passée à l’écrit ou à l’audiovisuel. Est-ce une lacune ? Si c’est le cas, comment y remédier ?
C’est une lacune en effet. Le locuteur, le producteur, celui qui transmet est en interaction avec l’auditeur ou le public. Il existe des conditions de transmission de la littérature orale. Ce sont entre autres des conditions physiques et corporelles. Il y a aussi le contexte et l’espace. Si on est dans une assemblée du village, celui qui transmet doit maîtriser un style bien déterminé. Au champ, entre bergers, les poèmes qui se récitent, on ne peut pas les faire entendre au village où le transmetteur est sous les contraintes sociales. Entre bergers, loin du village, il y a la liberté. Dans un mausolée, il y a des circonstances qui imposent la production littéraire. La littérature orale est une littérature de groupe et de communauté. Le producteur n’est pas seul. Aussi, on ne paie pas un poète pour créer ou réciter des poèmes. C’est un cas de figure exclu. Quand on est doté d’un support neutre à l’exemple de l’audio-visuel, on consomme individuellement. Le média est neutre. C’est comme si on lit un livre. Mais on peut l’écouter en groupe. Qui dit littérature renvoie à l’écriture, mais cela n’empêche pas de parler de littérature orale. N’est-ce pas un paradoxe ? Ce sont des termes contradictoires utilisés dans le but de produire des corpus. Tant que la communauté pratique son oralité, elle n’éprouve pas le besoin d’écrire. Celui-ci vient du fait qu’elle est en contact avec la civilisation de l’écrit, la domination, lesquelles suscitent la peur de disparaître. C’est une situation défensive. On prend l’arme du dominant, l’écrit, pour sauver ses propres culture et littérature. L’usage qu’on faisait de l’Islam est oral. Pourtant, il y avait des lettrés qui vivaient dans deux mondes. Ils interviennent à un moment donné par l’écrit pour rédiger un acte par exemple, mais ils peuvent participer à la production et à la transmission de la littérature orale. L’anthropologue anglais Jack Goody parle dans ces cas d’un usage restreint de l’écrit. Quand le pouvoir central domine, la communauté use du passage à l’écrit pour sauvegarder son patrimoine. Ensuite, elle revendique le passage à l’écrit en demandant l’institutionnalisation de sa langue, ses littérature et traditions orales. Elles tiennent aussi à ce qu’elles soient enseignées. Les initiateurs de telles idées relèvent d’une élite. Ils sont les plus acculturés par rapport à leur communauté. Ils se situent à l’extérieur de celle-ci. La transmission est altérée par le fait qu’ils ont intégré la culture de l’autre. Quand on baigne dans la culture de l’autre, on sent le danger qui menace la sienne. C’est par le biais de l’acculturation qu’on peut prendre conscience de la fragilité de sa propre culture. L’acculturation en tant que processus historique de mise en relation forcée avec l’autre, c’est-à-dire le dominant, ceux qui l’ont vécu le considèrent comme un phénomène profondément négatif. C’est la destruction de soi. L’acculturation confronte l’individu à l’autre (le dominant) qui le pousse à s’intégrer dans sa culture. Le dominé prend conscience de la nécessité de puiser de l’autre les instruments nécessaires pour sauvegarder sa culture. La situation de domination culturelle et d’acculturation permet de mettre à la disposition du dominé, de l’acculturé, « une boîte à outils », entre autres, l’écriture, l’enseignement et la recherche. Néanmoins, il y a des dominés qui vivent leur situation d’acculturation rongés par des sentiments culpabilisants. Ce qui peut l’orienter vers une espèce de rejet de l’autre. Alors, ils s’interdisent l’accès à cette boîte à outils. Comme disait Mammeri : « Quand l’être nié se crispe sur tout ce qu’il croit être lui, il se condamne à l’hibernation. » Or, « on ne ressuscite pas les horizons perdus, ce qu’il faut, c’est définir les horizons nouveaux. »
La littérature orale fait partie du système de représentations de la société qui l’exprime. Celle-ci vit des mutations permanentes et multidimensionnelles. Que deviennent en conséquence ces représentations ? Sont-elles condamnées à disparaître ?
Le conte est multifonctionnel. Il est transmis aux enfants. Mais quand la socialisation de l’enfant ne relève pas de la famille, une des fonctions du conte disparaît. A partir du moment où les parents et les enfants sont socialisés dans l’école, le transmetteur du savoir est dévalorisé. Sous l’effet de la religion, Les Zénètes de Gourara disent : « Les contes sont des mensonges, Dieu n’aime pas les mensonges. Donc, Dieu n’aime pas les contes. »Et comme on est croyant, on ne croit pas aux contes. Il s’agit d’une dévalorisation symbolique avec des effets réels. Le conteur est ainsi marginalisé. Son statut est dévalorisé. Que faudrait-il faire alors pour sauver de la disparition le patrimoine oral ? L’écrit permet la conservation de la littérature orale et la circulation de ce patrimoine sans la présence physique du producteur. Elle est consommée individuellement et collectivement. Le théâtre, le cinéma, la musique peuvent jouer ce rôle de conservation et de transmission. Chez nous, ce sont les musiciens qui assument ce rôle, vu il me semble la présence physique des deux côtés, à savoir, l’artiste et le public. Les gens sont indifférents aux livres, mais déboursent de l’argent pour assister à un gala artistique.
Quelle est la dimension fonctionnelle de la littérature orale ?
Les contes constituent une production dont on ne connaît pas les auteurs, on ne cherche pas à les connaître. C’est une production collective destinée à la collectivité. La fonction consiste à transmettre un savoir et des valeurs intériorisés par la communauté. Dans la poésie, on trouve des productions d’anonymes. Il y a aussi des créations attribuées à des poètes qui ont un statut de référence. Le poème est composé sur un modèle fixe. C’est ce qu’on constate dans les neuvains de Si Mohand U M’hand. Il y a entre-temps des poèmes composés sur des poèmes déjà créés. On y ajoute ou soustrait des vers, des mots. L’ajout passe par le filtre du contrôle social pour voir si la création ne s’attaque pas aux représentations sociales. On constate que même le groupe peut supprimer des vers ou des mots d’un texte. Mais dans le milieu des bergers et des femmes, on compose des poèmes qui transgressent les normes sociales, abordent des sujets tabous. Leurs auteurs trouvent toujours des moments, un espace, un auditoire pour les réciter. Le patrimoine oral ne reflète-t-il pas du moins en partie les structures de la société qui l’exprime à un moment donné de son existence ? Dans la littérature orale, les valeurs sont produites et reproduites sans volonté délibérée, consciente de sauvegarder ou d’être fidèle aux valeurs du groupe. L’orchestre connaît la musique. Chacun joue sa partition, sans l’intervention d’un chef d’orchestre. Chacun a intériorisé les valeurs, normes et morales sociales. C’est ce qu’on appelle socialisation dans ce type de société orale. Pierre Bourdieu disait en ce sens que « la société orale est une société qui joue sans chef d’orchestre ».

Par Amnay idir


Elwatan.com du 23 Juillet 2008

mercredi 9 juillet 2008

Les superbes vergers d'El Maadher seraient-ils menacés par la sécheresse?



Irrigation agricole à M’sila: Les vergers menacés de disparition


La sécheresse conjuguée à l’ interdiction de toute réalisation de forage sur tout le territoire de la wilaya, a généré une situation désastreuse pour les fellahs, notamment ceux qui se sont investis dans le programme agricole financé par le FNRDA.
Les plus touchés de ces fellahs, sont ceux dont les forages se sont effondrés ou asséchés durant cette dernière période et qui ont vu leur verger dépérir à vue d’œil, sans pouvoir faire quoi que ce soit sinon attendre indéfiniment le bon vouloir des autorités de la wilaya. Cette situation est en passe d’engendrer de fait la mort lente et certaine de la majorité, pour ne pas dire de la totalité des vergers qui a été réalisée dans le cadre du Fonds national de régulation et de développement agricole (FNRDA).Ce sont, pour la plupart des vergers réalisés depuis 2000 et dont la superficie cumulée à ce jour s’élève à 7800 ha, qui semblent être menacés de dépérissement.
« L’effondrement des puits a été engendré sous le double effet de la sécheresse et des mauvaises réalisations des forages, dira le DHW, Lebgaâ Moussa, par le fait, d’une part, que le niveau de la nappe s’est abaissée à un niveau atteignant 40m, et d’autre part, que les matériaux utilisés dans la réalisation des forages (tubage en plastique et tôles minces) n’avaient pas résisté à la pression. » Pour pallier cette contraignante situation, les fellahs touchés n’ont eu d’autre solution, face à l’interdiction des forages, que de formuler une demande auprès de la direction de l’hydraulique. « Pas moins de 3000 demandes de forages, dont 400 de remplacement, dira le DHW, ont été enregistrés depuis la décision du wali d’interdire les forages, en février 2005. » Si interdire tout forage, selon les termes de l’arrêté n° 194 du 27 février 2005 du wali de M’sila, équivaut, dans un contexte de sécheresse et d’une surexploitation des eaux souterraines, à une nécessité impérieuse pour la protection des champs captant d’AEP, il n’empêche que cette interdiction met également en péril le programme national de développement agricole (PNDA), à travers le FNRDA lancé en 2000 et dont le montant des investissements cumulés au 19 mars 2008 dans cette wilaya a atteint plus de 88 milliards DA.
Cette situation est la conséquence de la surexploitation de la nappe depuis l’avènement du FNRDA en 2000, qui a permis l’octroi d’autorisations de fonçage à un rythme sans précédent jusqu’à 2300 forages durant 4 ans, engendrant après coup le rabattement de la nappe dont le niveau a oscillé entre 10m et 40 m. La sonnette d’alarme a été tirée en mars 2002, à la suite d’une étude élaborée à cette époque par l’ANRH, concluant qu’il y avait surexploitation de la nappe à un taux estimé 236% (El Watan du 14 mars 2002). D’autres indices étaient révélateurs de cette surexploitation, ils se résumaient en la diminution, voire la disparition du phénomène de l’artésianisme et de l’assèchement des forages, notamment les puits traditionnels ne dépassant pas 50 m et de l’augmentation de la teneur de certains composants, notamment les nitrates qui ont affecté foncièrement la qualité de l’eau.
Devant la gravité de la situation, le wali de M’sila avait pris la décision, à travers l’arrêté n° 194 du 27 février 2005, de procéder à la protection de la ressource en eau souterraine en interdisant strictement toute implantation de forages autres que ceux destinés à l’AEP dans les 6 périmètres que compte la wilaya, mais sans tenir compte du volume d’investissement consenti par les fellahs dans le cadre du FNRDA ni de la menace de dépérissement de milliers d’hectares de vergers dont la majorité sont productifs.
Les fellahs les plus touchés ne s’embarrassent pas de braver les interdits pour creuser des puits de remplacement afin de tenter de sauver leur verger. 24 forages illicites ont été enregistres à ce jour au niveau de cette wilaya, les auteurs ont été traduits devant la justice par la DHW.
S. Ghellab

elwatan.com du 9 Juillet 2008

lundi 7 juillet 2008

Et Bou Saada ?

Les jeunes se préparent déjà à l’édition de Alhan oua chabab


En prévision de la prochaine édition de Alhan oua chabab et dans l’attente du passage de la caravane de sélection dans la wilaya de M’sila, prévu pour cette semaine, l’association Ouissam de la culture et des arts a eu l’initiative de préparer 23 candidats au concours de sélection, sous la houlette de chanteurs professionnels et des professeurs de musique. Depuis un mois, l’association s’est attelée à organiser soi-disant un stage bloqué à la bibliothèque municipale, à multiplier les répétitions pour être au top le jour du rendez-vous. M.Samir Maârouf, président de l’association a eu cette idée pour représenter sa ville, voire même sa wilaya dignement, comme l’ont fait honorablement lors de la précédente édition Daoud et Zighem qu’on a suivis à la télévision, deux candidats choisis de la wilaya de M’sila. A savoir que l’association a ouvert des classes de musique composées de 60 élèves, une première dans la wilaya.
A. LAÏDI
lexpressiondz.com du 7 Juillet 2008

jeudi 3 juillet 2008

La danse est aussi un art qui fait partie de la mémoire collective


M’sila tient à ses chorégraphies traditionnelles


El oudja, el saâdaoui et autre el kaïdi, sont des danses du Hodna où se marient les harmoniques dans un art séculaire.
Dans toute la région du Hodna, il est des curiosités artistiques traditionnelles comme celle - la plus répandue - où l’homme et le cheval s’associent pour exécuter une danse nommée el oudja dans laquelle le cavalier fait faire à sa monture une panoplie d’exercices bien rythmés par les sons d’el ghaïta et du bendir.Pour les gens au fait de cet art séculaire, qui fait surtout valoir le niveau de maîtrise de l’animal par l’homme, la danse en question est typique des traditions équestres de fantasia et se déroule surtout pendant les grandes occasions locales et les fêtes nuptiales. Elle est l’apanage d’un nombre assez réduit de chevaliers bien connus dans la wilaya de M’sila et auxquels on fait appel pour les besoins des grandes manifestations privées ou publiques. El kaïdi, c’est l’autre danse bien connue dans la région et qui est la représentation d’un affrontement entre deux clans - plusieurs danseurs et danseuses opposés - exhibant leur puissance et leur virilité d’«adversaires» du moment. Dans les régions de Boussaâda et du sud de M’Sila, une autre chorégraphie populaire, le saâdaoui, un peu en voie d’extinction, est exécutée pour célébrer les moissons-battages. A la fin d’une dure journée de travail dans les champs, hommes et femmes se mettent face à face, formant deux rangées bien distinctes pour effectuer un mouvement d’ensemble à pas cadencés, alternativement mains et pieds levés, la palme de l’élégance dans l’harmonie revenant aux femmes et celle de la rigueur collective à leurs camarades hommes. Selon une tradition orale bien établie, la danse exprime, simplement et dans la bonne humeur, la solidarité dans le travail et la parité entre les deux sexes dans l’exécution des tâches quotidiennes et dans la vie tout court.Mais selon les initiés, la seule danse qui ait conservé son entière authenticité est el oudja, l’apanage de quelques initiés qui pérennisent cette chorégraphie, partie intégrante des traditions équestres de la région. La danse saâdaoui n’aurait plus la même présence que durant les années 1950 et 1960 et ce, pour diverses raisons, notamment le fait que les moissons ne sont plus effectuées manuellement mais avec des moyens mécaniques lourds.Promue «danse des fêtes», el laïdi semble mieux résister et sort même du cercle limité des cérémonies de mariage pour s’étendre à l’animation dans les hôtels et les salles de spectacle.On y a même introduit plusieurs modifications pour adapter ses formes et ses expressions aux exigences du spectacle et du show-business, regrettent les adeptes du maintien des représentations artistiques dans leurs formes originelles. Jadis exécutées dans la rue non pas par des troupes organisées mais par des individus qui en ont hérité la gestuelle codifiée, transmise ainsi de père en fils, ces deux dernières danses «ont fini par devenir une marchandise que des négociants de l’art écoulent sans se soucier du coup ainsi porté à l’authenticité de ces expressions artistiques populaires», déplorent d’anciens danseurs. L’artiste-peintre Etienne Dinet a immortalisé par son pinceau certains de ces spectacles. Sa toile Khedra représente une danseuse des Ouled Naïl, mains au ciel dansant très probablement le saâdaoui ou el kaïdi. A en croire des milieux populaires, bien d’autres danses existaient dans le Hodna et pratiquement chaque village possédait ses traditions chorégraphiques qui le différenciaient légèrement des autres, mais qui ont fini par se rejoindre puis se perdre avec le temps. Ce folklore local était plus ou moins valorisé durant les années 1960 et jusqu’à la fin des années 1980 en raison du dynamisme touristique qu’a connu la région pendant cette période.La demande d’alors sur ces spectacles avait suscité la création de plusieurs troupes folkloriques, heureusement restées encore aujourd’hui plus ou moins fidèles à ces traditions artistiques du patrimoine culturel local.
R.C
Lexpression.com du 3 Juillet 2008

mardi 1 juillet 2008

Il est paraît-il des terres brulées donnant plus de blé qu'un meilleur Avril




A Bou Saada, le fait culturel sort-il enfin de l’ornière ?



Le dernier rallye des Harley Davidson qui en était à sa deuxième édition semblerait, en toute apparence, n’être qu’une compétition de sport mécanisé. Oh que non ! Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une manifestation d’ordre culturel. Ce deal entre l’homme et son « mustang » raconte l’épopée des hippies qui a brisé les barrières de l’ordre établi, entonnant ainsi le chant du cygne de la civilisation des cols blancs. La Harley Davidson symbolise ainsi un fait qui ne présageait pas d’être culturel un jour. Dans ce sillage, on pourrait aujourd’hui, faire de l’adaptation en appelant par exemple à des compétitions du genre vieux taxis ou autre vieux autocars qui faisaient jadis les marchés hebdomadaires.
A ce propos , en Algérie et jusqu’à une époque peu lointaine, le marché hebdomadaire ambulant, pourvoyait à tous les besoins de consommation y compris culturels ; le médah et le goual étaient en bonne place. Les spectateurs, parmi eux beaucoup de démunis, se ressourçaient culturellement à l’œil . Ils engrangeaient les contes ou légendes de Djazia des benou Hillal, de Racheda ou de Antar El Absi. Cette culture populaire qui, certes, édulcorait des faits d’armes ou des idylles romanesques, n’en participait pas moins à l’éveil de la curiosité au merveilleux et à la recherche prospective de repères identitaires.
La matière culturelle est à fleur de sol, il suffit de la dépoussiérer. Une agglomération anciennement oasienne comme Bou Saada, recèle à elle seule les trésors d’une double culture ; l’une acquise lors de la présence coloniale et l’autre originelle qui a su traverser le temps. L’inventaire du patrimoine immatériel aide à la compréhension du passé et peut encourager la créativité . La communauté d’alors a su transmettre ; l’élément social actuel qui a su capitaliser veut aussi marquer son temps de son empreinte.
Dans ce contexte, rappelons que le premier cercle culturel de Bou Saada se constitua autour de l’Emir El Hachemi ibn Abdelkader El Hassani El Djazairi. Ce dernier recommanda à son fils qui souhaitait revenir en Algérie de « Se rendre à Bou Saada où il gardait toujours des amis parmi les Cherif et les Bisker »(1). En dépit de son handicap visuel, il enseigna à ses congénères colonisés et placés dans le cachot de l’ignorance les préceptes de la langue arabe et de la Chari’a. On peut aussi citer, parmi les précurseurs de l’intelligentsia locale à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème , Madani Chérif et les frères Moussa et Ali ben Chenouf ou encore Chemissa, premiers normaliens suivis bien plus tard par Aissa Bisker, Aissa Baiod, Benaziez, Bouti, Laraf ou encore Abdelatif et Kirèche. Benraâd et Chenaf furent les derniers médersiens de la première moitié des années cinquante. Ahmed ben Djeddou fut l’un des premiers enseignants d’arabe de l’université d’Alger.
Dans le registre des sciences islamiques on peut citer Belkacem El Hafnaoui et Abderrahmane Eddissi, aînés de Cheikh Abderrahmane Djillali. Muphtis et théologiens, ils ont marqué par leur érudition les cercles religieux d’Alger. Brahim Markhouf décédé en 1994, aveugle dès son jeune âge, reçut l’enseignement des sciences du Coran d’un maître non voyant lui-même qui lui disait : « Tu es l’outre et je suis l’entonnoir….à toi de contenir ».Le défunt Ammar ben Madani, non voyant lui aussi, fut le conservateur incontesté de la mémoire collective, il ne sera jamais remplacé. Le dicton africain qui dit : quand un vieux disparaît c’est tout une bibliothèque qui brûle ! s’il venait à être vérifié, ne peut l’être que pour ce grand personnage. Ahmed Boudiaf, un moudjahid au fait de l’initiative touristique tente, aujourd’hui, de conserver les reliques d’un passé pour qu’il n’échappe pas à l’érosion.
Les années quarante furent aussi marquées par l’intense activité du Cercle de la fraternité de l’Association des Oulémas qui prit sous sa protection « Faoudj El Fadhila » l’association des scouts musulmans créée par Ali Abdelkrim, Hamida Abdelkader,Bachir Ouali, Ali Guéhoueche, Tayar et bien d’autres. C’est ainsi que le théâtre et la musique firent leur entrée dans la cité par le biais de ce mouvement scout naissant. Khelifa Belkacem condisciple de El Hadj el Anka et disparu prématurément était issu de cette communauté ; il ouvrit la voie à B’sisa Brahim et Agoug Aissa qui excellaient dans le bédouin. Sans oublier la notoriété de l’immense Smain El Bousaadi qui, à la fin des années quarante et après El Hadj Benkhlifa (l’oncle de Khlifi Ahmed), fit connaître au monde la chanson dédiée à Hayzia .
Malheureusement, les années de feu mirent un bémol à toute activité culturelle induisant l’éveil nationaliste. A l’indépendance et sous la houlette de Ouali et Boughlam, le scoutisme renaissait de ses cendres. Mustapha Zemirli, âgé alors de 20 ans à peine, reconstitua avec Larbi Ayata et le défunt Abdelkader Delaoui la chorale composée de boy-scouts et de girls scouts, une audacieuse avancée dans l’émancipation de la femme dans un milieu réputé conservateur. Conservateur dites vous ? Que non ! Hadj Zerrouk Khalifa ne créa-t- il pas la première medersa mixte dans les années quarante ? Cette chorale post indépendance fut sollicitée de toutes parts.
Les années soixante dix furent, elles, marquées par une intense activité culturelle allant des fantasias à la fête du burnous et autres manifestations. Les jeunes, regroupés dans des cercles informels, organisèrent des randonnées motorisées vers Ain Brahim (Mostaganémois), Zemmouri ou Aokas (côte Bougiote). A cette même époque l’un des premiers pilotes de ligne obtint son premier brevet à l’aéroclub de Ain Eddis ; de ce site il ne subsiste actuellement que l’épave d’un coucou gisant près du hangar. L’auberge de jeunes dirigée par El Bahi et Ziane apprit aux jeunes à monter une radio amateur ; c’est ainsi qu’un de ses membres fut le premier à annoncer au monde entier le séisme d’Al Asnam d’octobre 80 ! Le théâtre amateur quant à lui, il y connut ses heures de gloire avec Abdelkader Delaoui et Larbi Ayata pour les aînés et Said Houari pour la jeune génération, en remportant à Tunis le deuxième prix arabe des radios amateurs.La décennie noire a mis ce bouillonnement culturel sous l’éteignoir.
Le musée national Nacereddine Dinet en paya les frais, il fut détruit par un incendie criminel. Remis à neuf sous la conduite de Barkahoum Farhati, architecte et historienne, il évolue actuellement sous un climat plus serein. Madame Hioun conservateur secondée par son conjoint, lui-même artiste lithographe, mène son action muséale contre vents et marées, d’innombrables vernissages et manifestations culturelles y sont organisées. La dernière en date fut la production de l’association de musique andalouse de Mostaganem dans la belle salle de l’Institut national de la formation professionnelle.
A travers ces exemples, il s’avère que l’initiative peut être souvent d’ordre individuel, l’adage ne dit-il pas que « Ouahed ka elf ou elf ka ouf » (un individu comme mille et mille comme nul…) et c’est le cas de le croire. L’exemple de Larbi Bedka est édifiant à ce titre, lui qui a su fédérer des énergies juvéniles autour de projets d’intérêt commun. Grâce à lui, une aire marginale de la berge gauche de l’oued appelée localement terra el kahla fut boisée par des essences forestières irriguées à partir du cours d’eau par pompage régulier. Ce professeur de philosophie et accessoirement imam, a regroupé des jeunes de son quartier auxquels il fit réaliser des choses surprenantes, telles que la restauration de deux bornes fontaines séculaires. Le lieu est centré par un terrain qui permet d’organiser des tournois de football en toutes occasions et notamment celle de El Mawlid Ennabaoui ; cet espace est devenu une aire récréative ouverte au public. Le mimétisme aidant, d’autres jeunes du quartier ont planté, en contre bas de l’hôtel Kerdada et de la piste touristique, de belles zones vertes.
La maison de jeunes organise périodiquement des cafés littéraires, conduits par Ahmed Abdelkrim membre de l’Union des écrivains algériens ; un peloton d’écrivains et de poètes réussissent ainsi à sortir la cité de l’engourdissement culturel. Ils sont trop nombreux pour les citer tous, mais il n’est pas inintéressant de citer Khatibi pour la poésie française ou Lorfi Abdelkader, master d’anglais, qui versifie dans la langue de Shakespeare ou encore Bachir Meftah, le traducteur des fables de La Fontaine, les odes de Vigny, de Lamartine ou encore de Koeplik. Abdou Harkat est cet immense traducteur qui a tantôt un pied à Bou Saada tantôt à ….Beyrouth.La scène musicale et lyrique est partagée entre le virtuose Chemissa (violon et luth) Gamat ( le Marcel khalifa local), Chérif, l’organiste et professeur de musique, Cheikh ( luthiste et chanteur) et enfin Sofiane de Alhan oua Chabab. Les trois premiers nommés sont tous enseignants. Quant aux chorales polyphoniques, elles sont si nombreuses que le choix en devient embarrassant. Outre « Chems Essalam » celle de « El Baha » est la plus sollicitée sur le plan national et même international ; deux séjours en Italie lui ont ouvert la voie de la notoriété internationale. Elle s’apprête à se produire en Espagne. Oublier les bardes de la poésie populaire ou bédouine, relèverait de la cécité, Oumhani, Abdelghafar, Bennoui, Kodheifa ou encore Nouibat ont déclamé sur tous les forums des okhadiate que ce soit ici ou ailleurs, notamment dans les pays du Golfe. Cette élite littéraire vient de se constituer en association dénommée « El Emir El Hachemi »dont les destinées ont été confiées à Mohamed Lamraoui praticien en chirurgie dentaire et mécène de l’art. Les peintres et plasticiens se bousculent au portillon, les orientalistes coloniaux ont décidément fait des émules. Le plus célèbre est sans nul doute Benslimane dont la fille vient d’offrir ses œuvres au musée de la ville ; kacimi, Tewfik Lebsir et d’autres dont des filles, s’essayent toutes au chevalet. La céramique est portée par Ali Zahi formé à l’Ecole des Beaux Arts de l’ex Parc de Galland. L’art traditionnel telle la fonderie du bronze a fait un bond extraordinaire grâce à l’association des artisans de Bou Saada, présidée par Douffi. En plus du bijou traditionnel et le fameux couteau bousaadi, ses jeunes artisans excellent dans les heurtoirs et la serrurerie ; leur art a été sollicité pour la restauration d’anciens palais ottomans, notamment celui du palais du Dey à Alger. Leurs efforts ont été couronnés par la réalisation d’une maison de l’artisanat, joyau architectural dans le plus pur style arabo-mauresque, érigé au centre de la villeParmi les cinéastes professionnels, on peut retenir les noms de Hanafi, Lebsir, Mohamed Kacimi écrivain et cinéaste et le grand Lakhdar Hamina qui dit avoir des attaches avec la ville à travers sa mère issue de cette cité. Le cinéaste, Ahmed Rachedi a également des attaches familiales dans la cité du bonheur tout comme Hamid Achouri et Aberrahmane Letayssa, le petit Omar de « Dar-S’Bitar » de Mustapha Badie .
Le journalisme a eu lui aussi ses grandes figures aussi bien anciennes que contemporaines ; les doyens en furent Belkacem Hafnaoui et Mohamed Bisker. Parmi les plus proches de nous, on peut citer des journalistes vedettes comme Fatima Benhouhou et Abdelkader Mame ainsi que son proche parent Belkacem de la chaîne nationale arabophone. N’oublions pas d’autres personnages de la presse, originaires de la région, tels que les Rabani père et fils, R.Benbouzid, Abderrahmane Mahmoudi et Hamid Tahri. Ayons une pensée pour le défunt Mohamed Lamine Legoui , victime de sa plume durant la décennie noire.On peut citer encore les écrivaines, sociologue et historienne, Souâd Khodja et Barkahoum Farhati, élevées dans le giron d’un Islam tolérant et ouvert sur l’universel, celui qui a subjugué Etienne Dinet et Edward Verchawelt, pour avoir été tous deux islamisés par la cité. Et pour achever cette liste de femmes nées dans la ville citons Zoubida Bisker Abdellatif qui a fait partie des quatre premières médersiennes algériennes ainsi que Hafssa Bisker Bentoumi , moudjahida, membre fondateur de l’UGEMA et première pharmacienne d’Algérie. Le mouvement associatif a, quant à lui, remarquablement pris l’enfant pour objet d’intérêt ; l’Association pour la protection de l’enfance dirigée par Lamouri réalise un travail méritoire ; l’ association menée par Fatima Ziane regroupant des jeunes filles et basée à la bibliothèque communale fait de la femme et de l’enfant son credo. L’association « Nacereddine Dinet » pour le tourisme et le patrimoine présidée par Mme Ahlem Terfaya et son conjoint Bensiradj réalise de belles œuvres dans la préservation du patrimoine matériel et immatériel de la cité communément connue sous l’appellation de la « Cité du bonheur ».Cette même dame, architecte de formation, dirige concomitamment le Cercle culturel Aissa Bisker dernière née des institutions éducatives et qui oeuvre à la promotion de la culture de l’enfant.Son promoteur, officier de l’ANP à la retraite, n’est autre que l’un des fils de Si Aissa Bisker ; il a mis la main à la poche pour réaliser cette oasis culturelle. Ce centre, localisé dans sa demeure située au cœur de la ville, est aménagé en plusieurs ateliers pour les langues, la musique, les arts plastiques et comprend aussi une bibliothèque pour enfants.Il reçoit les enfants de toutes les couches sociales. Tout le personnel, d’anciens cadres enseignants ou artistes dont Mustapha Zemirli y activent à titre bénévole. Bravo pour l’initiateur et à ceux et celles qui l’entourent. Après la deuxième année de sa création, le Centre compte organiser le 29 de ce mois une cérémonie culturelle commémorant le centenaire de la naissance de hadj Aissa Bisker au Lycée Abi Mizrag ancien Institut islamique post indépendance dont le défunt a été le premier directeur. Cet institut est le projet enfin parachevé de la Medersa libre dont la population avait lancé la souscription, à la fin des années quarante.« Il est paraît-il des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur Avril…. » La strophe de l’immortel Brel est dans ce contexte à méditer.
Note de renvoi :(1) Ch.de Galland «Excursion à Bou Saada et M’Sila -1889"
Farouk Zahi
Le Quotidine d'Oran; Mai 2008