mardi 18 septembre 2007

La kalaa des Beni Hammad par El Bekri




Un texte intéressant pour les historiens et les non historiens. On y trouve une énigme: en lisant ce texte, qui connait suffisamment la ville pour localiser BS? S'agit-il de Tarf Allah ?

Extraits de « Description de l’Afrique Septentrionale », auteur El Bekri, ouvrage achevé en 1068, traduit par de Slane


Route de Cairouan au Château d’Abou-Taouîl (Kalaa des Beni Hammad)


Le château d’ABOU-TAOUÎL (Calâ-t-Abi-Taouîl) grande et forte place de
guerre, devint une métropole après la ruine de Cairouan. Comme les habitants de l’Ifrîkiya sont allés en foule pour s’y établir, il est maintenant un centre de commerce qui attire les caravanes de l’Irac, du Hidjaz, de l’Égypte, de la Syrie et de toutes les parties du Maghreb.
Aujourd’hui la Calât-Abi Taouîl est le siège de l’empire des Sanhadja. Ce fut dans ce château qu’Abou-Yezîd Makhled ibn Keidad se défendit contre Ismaîl [El-Mansour, le khalife fatemide

Commentaire fait par de Slane traducteur de El Bekri

C’est la Calât-Hammad ou Calâ-beni-Hammad des historiens de l’Afrique. Ce château et la ville qui en dépendait devaient toute leur importance à Hammad, fils de Bologguîn et fondateur de la dynastie hammadite. (Voy. Hist. des Berb. t. II). Il acheva de bâtir et de peupler cette métropole vers la fin du IV e siècle de l’hégire. Les historiens ne nous font pas connaître le surnom de ce prince; mais on peut supposer que c’était Abou-Taouîl. Le château s’appelait Kiyana avant d’être occupé par Hammad. La ville, dont il ne reste plus que le minaret de la grande mosquée, était située à environ sept lieues au nord-est d’El-Mecîla. L’auteur écrivait en l’an 460 de l’hégire. Dix ou douze années auparavant, le royaume
des Zîrides, autre branche de cette famille sanhadjienne, avait perdu tout son éclat par suite de la seconde invasion des Arabes hilaliens et de la chute de Cairouan.

Biskera selon El Bekri

Dans les guerres qui éclatent quelquefois entre les habitants d’origine arabe et ceux qui appartiennent à la race mixte [nés de Romains et de Berbères], les premiers appellent à leur secours les Arabes de Tehouda et de Setîf, pendant que leurs adversaires se font appuyer par les gens de Biskera et des lieux voisins. Dans le poème composé par Ahmed ibn Mohammed el-Meroudi et renfermant l’histoire d’Ismaîl [El-Mansour], fils d’Abou’l-Cacem [El-Caïm le Fatemide], on lit le passage suivant:

De Tobna on se rend à MAGGARA, grande ville, entourée d’arbres fruitiers,
de ruisseaux et de champs cultivés. Parti de là, on arrive à CALA-T-ABI TAOUÎL.
BISKERA, canton situé à quatre journées de Baghaïa, renferme un grand nombre de bourgs dont la métropole se nomme aussi Biskera. Cette grande ville possède beaucoup de dattiers, d’oliviers et d’arbres frutiers de diverses espèces. d’un fossé, et possède un djamê, plusieurs mosquées et quelques bains. Les alentours sont remplis de jardins, qui forment un bocage de six milles d’étendue. On trouve à Biskera toutes les variétés de la datte; celle que l’on nomme el-kacebba, et qui est identiquement la même que le sîhani, surpasse en bonté toutes les autres, au point d’avoir une réputation proverbiale.
Le liâri, autre espèce du même fruit, est blanc et lisse. Obeid Allah le Fatemide fit
accaparer pour son usage toutes les récoltes des lîari et donna l’ordre aux officiers qui administraient cette province d’en empêcher la vente et de les lui envoyer. On pourrait nommer beaucoup d’autres espèces auxquelles il serait impossible de rien trouver de comparable. Les faubourgs de Biskera sont situés en dehors du fossé et entourent la ville de tous les côtés. On trouve à Biskera beaucoup de savants légistes; les habitants suivent le même rite que ceux de la ville de Médine. Une des portes de Biskera s’appelle Bab el-Macbera “la porte du cimetière”; une autre, Bab el-Hammam “la porte du bain”; il y a encore une troisième porte. La population de cette ville appartient à la race mélangée [dont le sang
est moitié latin, moitié berber). Dans les environs se trouvent plusieurs fractions de tribus berbères telle que les Sedrata, les Beni Maghraoua, peuple qui obéit à la famille de Khazer, et les Beni Izmerti . La ville renferme dans son enceinte plusieurs puits d’eau douce; il y a même dans l’intérieur de la grande mosquée un puits qui ne tarit jamais. On voit aussi dans l’intérieur de la ville un jardin qu’arrose un ruisseau dérivé de la rivière. A Biskera se trouve une colline de sel d’où l’on extrait des blocs de ce minéral, gros comme des moellons à bâtir. Obeid Allah le Fatemide et ses descendants se servaient toujours du sel de Biskera pour assaisonner les mets qui paraissaient à leur table. Cette ville est désignée
quelquefois par le nom de BISKERA-T-EN-NAHÎL “Biskera des dattiers.”




Autre route de Cairouan à Calâ-t-Abi-Taouîl (El BEKRI).

Parle-t-il de Bou Saada ?

Sorti de Cairouan, le voyageur marche pendant trois jours, à travers des villages et des lieux habités, jusqu’à OBBA. Cette ville, qui est d’une haute antiquité, fournit du safran excellent. A six milles plus loin se trouve LORBOS (Laribus), ville dont nous avons déjà fait mention. D’Obba l’on se rend au MELLAG, grande rivière qui arrose le territoire de Boll (Fahs Boll). En quittant le Mellag, on se dirige vers TAMEDÎT, ville située sur la pente escarpée d’un défilé qui sépare deux montagnes. Cette localité possède de vastes campagnes bien cultivées, dont le froment jouit d’une haute réputation. De là on se rend à TÎFACH, ville d’une
haute antiquité et remarquable par l’élévation de ses édifices. On la nomme aussi TÎFACH-ED-DHALIMA “Tifach l’injuste.” Elle possède plusieurs sources, beaucoup de terres en plein rapport, et occupe une position sur le flanc d’une montagne. On voit dans cette ville beaucoup de ruines anciennes. De là on arrive à CASR EL-IFRÎKI “le château de l’Africain,” grande ville
située sur un coteau et entourée de pâturages et de champs cultivés. Ensuite on atteint OUADI-’D-DENANÎR “la rivière des dinars,” dont les bords sont très fertiles. De là on se rend à TÎDJIS, ville antique, remplie de grands édifices, et bien pourvue d’herbes et de fourrage . TOUBOUT, la station suivante, est située sur la limite du pays des Ketama. Cette route se nomme El-Djenah el-Akhder “l’aile verte.” On arrive ensuite à TABESLEKI, petite ville située sur le flanc d’une montagne nommée ENF EN NECER “le nez de l’aigle.”

De là on se dirige vers EN-NEHRÎN, localité remplie de villages et située au milieu d’une vaste plaine. TAMESELT, la station suivante, est une ville remarquable par l’excellence de ses troupeaux et de ses céréales. De là on se rend à DEGMA, ville située sur une grande rivière et entourée de terres cultivées et de pâturages; puis à la ville de l’Etang, Medîna-t-el-Ghadîr 321 lieu où se trouvent les sources du Seher, rivière qui passe par EL-MECÎLA et qui porte aussi le nom d’El-Ouadi’r-Réïs. Plus loin nous aurons [132] encore à parler de cette rivière. Ensuite on arrive à CALA-T-ABI TAOUÎL.

Route de Calât-Abî Taouîl à la ville de Ténès

De Calâ-t-Abi Taouîl on se rend à EL-MECÎLA, grande ville située sur une rivière
appelée le SEHER. Elle eut pour fondateur Abou ’l-Cacem Ismaîl, fils d’Obeid Allah [le Fatemide], qui en posa les fondements l’an 313 (925-926 de J.-C.). Ali ibn Hamdoun, mieux connu sous le nom d’Ibn el-Andeloci , fut la personne chargée de faire construire cette ville. Simak ibn Meseaud ibn Mansour, l’aïeul d’Ali ibn Hamdoun, appartenait à la famille de Djodam [ancêtre d’une grande tribu yéménite].


Nommé par Ismaîl au gouvernement d’El-Mecîla, Ali ibn Hamdoun y passa le reste de sa vie; il fut tué pendant les troubles suscités par Abou Yezîd.
Son fils Djâfer, qui n’avait pas quitté la ville, obtint le commandement du Zab entier; puis en l’an 360 (970-971) il s’en éloigna, ainsi que nous le raconterons ailleurs.
El-Mecîla, ville située dans une plaine, est entourée de deux murailles, entre lesquelles se trouve un canal d’eau vive qui fait le tour de la place. Par le moyen de vannes on peut tirer de ce canal assez d’eau pour l’arrosement des terres. Dans la ville on voit plusieurs bazars et bains, et, à l’extérieur, un grand nombre de jardins. On y récolte du coton dont la qualité est excellente. Tout est à bas prix dans El-Mecîla; la viande surtout est très abondante. On y rencontre des scorpions dont la piqûre est mortelle.

A peu de distance s’élève une montagne (laquelle ?) habitée par des Adjiça, des Hoouara et des Beni Berzal, peuplades qui possédaient jadis le territoire de la ville.

Au sud d’El-Mecîla est un endroit nommé EL-KIBAB, « les coupoles” (on y remarque des voûtes antiques auprès desquelles sont les restes d’une ville ancienne romaine nommée BECHLÎGA.
Ces ruines sont traversées par deux rigoles d’eau douce dont les conduits sont de construction ancienne. On les appelle [en langue berbère] TARGA ’N-OUDI; ce qui veut dire “rigole de beurre fondu.”

Ahmed ibn Mohammed el-Meroudi parle [dans son poème] de l’arrivée d’Ismaîl [El-Mansour] à El-Mecîla, ville que les Fatemides nomment EL-MOHAMMEDIYA; voici en quels
termes il s’exprime:

Ensuite il vint à El-Mohammediya, ville bien- aimée, que la piété avait fondée;
Il arriva vers l’heure de midi, et par son aspect il y répandit une vive lumière.
Il campa avec son armée à El-Mecîla, dans un ordre aussi beau que parfait.
Aux alentours se voyaient les indices d’une glorieuse victoire,
Faveur insigne du Dieu tout-puissant.

Le SEHER, rivière auprès de laquelle El-Mecîla est située, a ses sources dans l’intérieur de GHADÎR OUARROU, grande et ancienne ville, entourée de montagnes. El-Ghadîr “l’étang” renferme une source dont l’eau est douce et assez abondante pour faire tourner plusieurs moulins.

On y remarque encore une autre source, et plus bas une troisième, qui coule avec bruit et qui porte le nom d’Aïn Makhled. Les eaux de ces sources se réunissent dans la ville et forment le Seher. El-Ghadîr possède un djamê et plusieurs bazars bien fournis. Toute les espèces de fruits s’y trouvent en abondance et se vendent à bas prix, ainsi que le blé et la viande. Pour un dirham (dix sous) on achète un kintar (quintal) de raisins. Les habitants de cette [région] appartiennent à la tribu des Hoouara et forment une population de soixante mille âmes.

S’agit-il de Bou Saada qui s’appelait Tarf Allah ?

A l’est d’-El-Ghadîr est un bourg très-ancien, qui porte le nom de TARFALAH. Cette localité n’a pas sa pareille dans le monde; aussi les habitants disent [par manière de proverbe]: Tarfalah est une portion (tarf) du Paradis. El-Ghadîr est située entre SOUC HAMZA et TOBNA, à deux journées de cette dernière ville.
D’El-Mecîla on se rend à la rivière DJOUZA ; puis à la ville d’ACHÎR. Mohammed ibn Youçof attribue la fondation d’Achîr à Zîri [Ibn-Menad]
Route de Fez à Cairouan

On met trois journées pour se rendre de là à TÈHERT, ville dont nous avons déjà parlé, et deux journées pour se transporter de Tèhert à TAMAGHÎLT, château construit en briques, sur le bord d’une rivière, et qui possède un bazar et un faubourg. Les habitants appartiennent à une tribu zenatienne, les Beni Demmer. On arrive ensuite à IZMAMA, forteresse renfermant un bazar, quelques caravansérails et une population composée de Louatiens et de Nefzaouiens. Plus loin, on trouve la ville de HAZ, située sur une rivière qui coule pendant la saison des pluies. Cette ville est maintenant déserte, Zirî ibn Menad le Sanhadjien en ayant expulsé les habitants. De là on se rend à BOURA, rivière qui coule [en toute saison], et dont les bords sont occupés par les Beni Irnaten, qui avaient autrefois habité la ville de Haz. Boura abonde en scorpions, et possède un petit bazar. Auprès de MOUZYA, place forte où le voyageur arrive ensuite, s’élève un château en pierre, de construction antique, nommé Casr el-Atech “le château de la soif,” autour duquel s’étend une flaque d’eau salée.

On y voit aussi une ville immense, bâtie par les anciens, et maintenant déserte . Elle est construite de l’espèce de pierre nommée el-djelîl, et s’appelle Medîna-t-er-Rommana “la ville de la grenade.” Au pied de son emplacement coulent plusieurs sources très abondantes, dont les eaux, qui sont de bonne qualité, vont atteindre El-Mecîla.
On y voit encore une autre ville antique sans habitants, et qui s’appelle en langue berbère Taourest, c’est-à-dire “la rouge”; elle est construite en pierres, et s’élève auprès d’une rivière d’eau douce.
On passe du château de Mouzya ( moudhya ? KS)à EL-MECÎLA, ville dont nous avons déjà fait mention; puis on arrive à ADENA (note : en souvenir de ADEN au Yemen d’où viendraient les Sanhadja : de Sanaa Dja : venu de Sanaa?), ville abandonnée, qui fut mise en ruines, l’an 324 (935-936 de J.-C.), par Ali ibn Hamdoun, surnommé Ibn el-Andeloci (fatémide qui construisit M'sila). Cela eut lieu à l’époque où Meicera le feta revint de son expédition en Maghreb.

Le territoire d’Adena offre un grand nombre de ruisseaux et de sources d’eau douce. On y remarque surtout l’AÏN EL-KITTAN “la fontaine du lin,” source de bonne eau, qui jaillit dans un désert et qui est ombragée par quatre dattiers. Cet endroit est à une journée d’El-Mecîla.

A
l’orient [d’El-Mecîla] coule le OUEDI MAGGARA, ruisseau sur lequel se trouvent sept villages, dont celui qui porte le nom de Yekcem fournit de l’huile d’une excellente qualité.

Entre Aïn el-Kittan et Adena, on rencontre trois rivières: le Seher, le Ouadi ’n-Niça “la rivière des femmes,” et le Ouadi Abi Taouîl. On y trouve aussi une fontaine nommée Aïn el-Ghazal “la source de la gazelle.” Entre le Seher et le Niça, il y a une distance de trois milles.

Le Ouadi ’n-Niça fut ainsi nommé parce que les Hoouara, dans une de leurs courses, avaient enlevé les femmes d’Adena. Les habitants de cette ville poursuivirent les ravisseurs, et, les ayant atteints auprès de la rivière, ils délivrèrent leurs femmes, reprirent le butin et tuèrent une partie des Hoouara.

ADENA est à deux journées de Tobna, ville dont nous avons déjà parlé. Les environs [d’Adena] sont habités par les Beni Zenradj. De là on se rend au Neher el-Ghaba “la rivière de la forêt”; puis on marche pendant trois jours à travers une contrée occupée par des Arabes : des Hoouara, des Miknaça, des Kebîna et des Ouargla.
Cette région, ainsi que les pays voisins, est dominée par l’AURAS, montagne qui a une étendue de sept journées de marche; elle renferme un grand nombre de places fortes appartenant aux Hoouara et aux Miknaça, qui professent les doctrines hérétiques de la secte ibadite. Ce fut dans l’Auras qu’Abou Yezîd Makhled ibn Keidad le Zenatien et natif de Nefzaoua se révolta contre Abou ’l-Cacem, fils d’Obeid Allah le Fatemide. Elle fut aussi la demeure de la Kahena.

Le voyageur arrive ensuite à BAGHAÏA, forteresse ancienne, construite en pierre et entourée, de trois côtés, par un grand faubourg. A l’occident, on voit beaucoup de jardins et une rivière. Les caravansérails, bains et bazars sont relégués dans le faubourg; mais le djamê se trouve dans l’enceinte de la ville. Baghaïa est située au pied de l’Auras, dans une vaste plaine coupée par des ruisseaux. Ses environs sont occupés par des peuplades appartenant aux tribus des Mezata et des Dariça, qui professent les doctrines des Ibadites. Pendant l’hiver ils se tiennent dans la région des sables, où il ne tombe ni pluie, ni neige, ne voulant pas exposer aux intempéries de cette saison les jeunes chameaux qui viennent de naître. Les Berbers et les Romains s’étaient fortifiés dans Baghaïa quand Ocba ibn Nafé le Coreichite les attaqua. A la suite de plusieurs combats acharnés, la fortune se déclara contre eux; mis en déroute par le chef arabe, qui leur tua beaucoup de monde, ils se réfugièrent dans la forteresse. Le vainqueur leur enleva plusieurs chevaux, appartenant à la race que l’on élevait dans l’Auras, et qui, par leur vigueur et leur légèreté, surpassaient tout ce que les musulmans avaient encore vu dans leurs expéditions. Ocba ne jugea pas convenable de s’arrêter devant Baghaïa, ne voulant pas perdre un temps précieux qu’il pourrait employer à combattre d’autres adversaires. De nos jours, toute la population de cette ville professe les doctrines des Ibadites..
A Baghaïa, les blés se mesurent au oueïba, dont chacun contient soixante-quatre modd de la dimension autorisée par le Prophète, et équivaut à un cafîz et demi, mesure de Cordoue. Le cafîz employé pour mesurer l’huile est le même que celui de Cairouan, et contient cinq arrobes de Cordoue. Le ratl de viande équivaut à vingt ratl filfili.

De Baghaïa l’on se rend à MEDDJANA, grande ville environnée d’une muraille en briques et possédant un djamê, quelques bains et un grand nombre de mines, dont une, appelée El-Ourîtci, appartient à des Louata, et fournit de l’argent. Cette ville porte aussi le nom de Meddjana-t-el Maâden “Meddjana les mines”; elle possède un château, bâti en pierres et renfermant trois cent soixante citernes. Meddjana est habité par des Arabes; mais les environs sont habités par des Louata. Le château dont nous venons de parler porte le nom de Bichr ibn Artah. Ce chef y pénétra de vive force, et envoya le cinquième du butin à Mouça ibn Noceir, qui l’avait chargé d’emporter cette place forte.

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Notes
339 Appelé aujourd’hui Ouadi’l-Kesab “la rivière aux roseaux.”
340 Voy. p. 70, note 4. 341 Djâfer se révolta contre la dynastie fatemide et embrassa le parti des oméïades espagnols. (Voy. Hist. des Berbers, t. II, p. 5541). Le récit auquel El-Bekri renvoie ses lecteurs ne se trouve pas dans les manuscrits que nous possédons de son ouvrage.
342 “Les ruines de la ville de Bechilga, situées à environ une lieue de Mecîla, vers l’est, occupent un terrain de quinze ou seize cents mètres de longueur, et de six cents de largeur. Une inscription lapidaire, trouvée près de cet endroit, nous donne l’ancien nom de la ville: c’est le Zabi de l’Itinéraire d’Antonin.” (Voy. Revue africaine, t. II, p.324).
343 Ce fut dans cette expédition qu’El-Mansour réussit à vaincre Abou-Yezîd.
Page 147
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Autre route de Basra à Fez

ASÎLA, première ville du littoral africain, à partir de l’occident, est située dans une plaine entourée de petites collines. Elle a la mer à l’ouest et au nord. Asîla, ville de construction moderne,doit son origine à un événement que nous allons raconter. Les Madjous “Normands” avaient débarqué au port deux fois…. La seconde fois qu’ils débarquèrent au port d’Asîla, leur flotte venait d’être chassée des parages de l’Andalousie par un fort coup de vent. Plusieurs de leurs navires sombrèrent à l’entrée occidentale du port, au lieu qui s’appelle encore Bab el-Madjous “la porte des païens.” Les habitants du pays s’empressèrent alors de bâtir un ribat sur l’emplacement d’Asîla, et d’y installer une garnison qui devait se renouveler régulièrement, au moyen de volontaires fournis par toutes les villes du voisinage. On y tenait une grande foire aux trois époques de l’année que l’on avait fixées pour le renouvellement de la garnison, c’est-à-dire au mois de ramadan, au 10 de dou-’l-hiddja et au 10 de moharrem….

Sur ce terrain, qui appartenait à une tribu louatienne, quelques Kotamiens bâtirent un édifice pour leur servir de djamê. Des habitants de l’Andalousie et d’autres contrées, ayant entendu parler de cet établissement, y apportèrent, aux époques déjà indiquées, diverses espèces de marchandises ety dressèrent leurs tentes. Alors on commença construire des maisons, et on finit par y former une ville.
Au sud de cette ville on trouve plusieurs tribus louatiennes et une peuplade appelée les Beni Zîad, (note: dont serait issu Tarek ibnou Zyad?) qui forme une branche de la tribu hoouarite établie à Zeloul. A l’occident habitent les Hoouara du littoral; on y voit aussi une grande caverne, située sur le bord de la mer, …. Asîla est située à l’ouest de Tanger…..

Route de Ceuta à Fez

De Ceuta à DIMNA-T-ACHÎRA, localité déjà indiquée, il y a une journée de marche. De là on se rend à l’endroit [p.223] nommé EL-KÉNIÇA “l’église,” où se trouve un village florissant qui couronne une colline 544 appartenant aux Kotama. On arrive ensuite à la rivière de MAGHAR, où se trouve un établissement appartenant aux Kotama et composé d’un beau village et d’un canton très riche en céréales et en troupeaux. Plus loin on trouve HADJER EN-NECER “le rocher de l’aigle,” résidence des Beni Mohammed [famille idrîcide]. A l’occident de ce lieu est situé le [259] canton de REHOUNA, et, à l’orient, le territoire des BENI FETERKAN,
tribu ghomaride. Au Hadjer, le chemin forme un embranchement; si l’on prend la route de droite on arrive à AFTÈS, ville appartenant à Guennoun ibn Ibrahîm, et habitée par des Kotama. Cette localité est riche et florissante; elle est située à l’ouest du Hadjer et sur le bord du LOKKOS, rivière dont nous avons déjà fait mention, et qui coule de l’est à l’ouest. Le voyageur la rencontre un peu avant d’arriver à Aftès. De là cette rivière descend jusqu’à la ville de SOUC KOTAMA, où elle prend le nom de Waw-Lokkos 545 ; puis elle arrive à TOCHOUMMÈS,546 résidence de Meimoun ibn el-Cacem [prince idrîcide]…. Ce fut de là que ce prince [idrîcide] partit, avec ses fils, pour s’emparer de Tanger et du territoire qui s’étend jusqu’à Ceuta. Zehedjouka appartient maintenant [260] aux Zerhouna. On la nommait aussi Tarf el-Agher “cap d’El-Agher,” d’où son nom moderne Trafalgar.


Notice de l’empire des Béreghouata et de leurs rois

Le récit qui va suivre provient de Zemmour, surnommé Abou-Saleh, et membre de la tribu des Béreghouata.

Tarif, aïeul des rois des Béreghouata, était fils de Chemaoun, fils de Yacoub, fils
d’Ishac. Il avait pris part aux expéditions de Meicera-t-el-Matghari, surnommé El-Hakîr “le méprisable,”585 et à celles de Maghrour ibn [p.260] Talout.586. Ce fut en souvenir de lui que l’île de Tarîf “Tarifa” reçut ce nom. Les partisans de Meicera se dispersèrent après la mort de leur chef, et Tarîf, qui, à cette époque, exerçait le pouvoir royal chez les Zenata et les Zouagha, passa dans [302] la province de Tamesna (Temsna) et y fixa son séjour. Les Berbers le prirent pour leur chef et lui confièrent le soin de les gouverner. Il mourut dans ce pays sans
avoir jamais renoncé aux pratiques de l’islamisme. L’un de ses quatre fils, le nommé Saleh, reçut des Berbers le commandement suprême. “La mort de Saleh, dit Zemmour, eut lieu précisément cent ans après celle du Prophète [Mahomet].” Dans sa jeunesse il avait combattu, à côté de son père, sous les drapeaux de Meicera-t-el-Hakîr. S’étant distingué par son savoir et par ses vertus, il se présenta aux Berbers en qualité de prophète, et leur enseigna les doctrines religieuses qu’ils professent de nos jour. Il déclarait aussi que Dieu lui avait fait parvenir un Coran, volume qu’ils lisent encore aujourd’hui. “Cet homme, dit Zemmour, est le Saleh el-Moumenîn dont Dieu a fait mention dans le Coran de Mahomet, sourate de l’interdiction.587

Ayant chargé son fils El-Yas de conserver sa doctrine, il lui enseigna les lois et les
prescriptions de la religion qu’il voulait établir. Il lui ordonna, en même temps, de ne pas publier cette doctrine avant d’avoir acquis assez de forces pour ne craindre aucun danger; il aurait non seulement à remplir le devoir de la prédication, mais aussi celui de mettre à mort tous ceux qui oseraient lui résister. [p.261] Il lui recommanda aussi de vivre en bonne intelligence avec le souverain de l’Andalousie. [303] S’étant alors mis en route pour l’Orient, il promit à ses sectateurs de revenir parmi eux quand le septième de leurs rois serait monté sur
le trône. Il déclara aussi qu’il était le Mehdi, qui doit paraître lors de la consommation des siècles, afin de combattre Ed-Deddjal “l’antechrist”; qu’il compterait au nombre de ses disciples Eïça ibn Meryam “Jésus, fils de Marie,” et qu’il devait célébrer la prière à la tête d’une congrégation dont Eïça ferait partie, enfin qu’il remplirait la terre de sa justice autant qu’elle a été remplie d’iniquité. A ce sujet il leur adressa plusieurs discours, dont il attribuait la composition à Mouça ’l-Kelîm “Moïse, qui parla avec Dieu,”588 au devin Satîh 589 et à Ibn-Abbas.590 Il ajouta que son nom, en langue arabe, était Saleh “saint”; en syriaque, Malek “possesseur”; en persan, Aalem “savant”591 ; en hébreu, Ou rabbia “monseigneur,” et en berber, Ouryawera, c’est-à-dire “celui après lequel il n’y a rien.”592 [p.262] [304] Lors du départ de Saleh, son fils El-Yas prit le commandement, et demeura, en apparence, très attaché aux devoirs de l’islamisme, la crainte et la prudence l’ayant empêché de manifester la doctrine qu’il avait reçue de son père. La pureté de ses mœurs et l’austérité de sa vie le tinrent éloigné des affaires mondaines. Il mourut après un règne de cinquante ans, et laissa plusieurs fils, dont un se nommait Younos. Celui-ci, ayant succédé au pouvoir, enseigna publiquement la nouvelle religion, et fit tuer toutes les
personnes qui refusaient de l’adopter. Emporté par le fanatisme, il dépeupla trois cent quatre-vingt-sept (387) villes, ayant passé àu fil de l’épée tous les habitants, parce qu’ils lui avaient résisté. Sept mille sept cent soixante et dix (7770)de ces récalcitrants subirent la peine de mort dans Tamellougaf, localité portant le nom d’une haute pierre qui se dressait au milieu de l’emplacement du marché. Dans une seule bataille, il tua aux Sanhadja mille.



Notes : Ghailan, de Damas, fils de Younos, affranchi copte, embrassa l’islamisme; mais, au lieu de s’en tenir à la doctrine orthodoxe, il nia la prédestination et enseigna le libre arbitre de l’homme. Une nouveauté si abominable mérita un prompt châtiment: le khalife Oméïade Hicham ibn Abd-el-Melek fit arrêter et crucifier celui qui, le premier, avait osé enseigner aux musulmans les principes de la théologie scolastique. Cette exécution eut lieu en l’an 110 de l’hégire (728-9 de J.-C.). (Kitab el-Maarif, p. 244;
Hist. litt. des Arabes, par de Hammer, en allemand, t. II, p. 152; Chehrestani, p. 32 du texte arabe imprimé; Kitab el-Mewakef, p. 333 du texte arabe imprimé.)















1 commentaire:

sophie a dit…

Bonjour,

Il est fort probable que Tarf Allah désigne Bou Saada. Il semblerait que Sidi Thameur, homme pieux, peut-être choqué par cette appellation, a préféré lui substituer le nom plus acceptable de cité du bonheur: Bou Saada. Etienne Dinet, peut-être au courant aussi, de cette transformation parlait du paradis sur le ciel de Bou Saada ou sous sa terre.